Même si je le savais, même si j'avais été prévenue par une de mes collègues, la découverte des classes et de mon bureau a tout de même été un petit choc. Les locaux sont extrêment vétustes, les classes aussi. Les pupitres en bois sont d'un autre âge et ce sont les étudiants qui font le ménage dans l'université quelques jours avant la rentrée.
Le département de français compte 3 professeurs très jeunes, sans vraiment beaucoup d'expérience mais complètement dédiés à m'aider et à me rendre la tâche la plus simple possible même si à chacune de mes questions, il n'y a pas vraiment de réponse claire. Moi qui suis une professeure plutôt structurée, toujours très organisée et sérieuse dans ma façon de préparer mes cours, je vais donc lâcher du lest et composer en prenant les choses comme elles viennent et à faire avec... enfin plutôt sans.
Je réalise aussi que malgré toute l'ouverture dont je peux faire preuve, j'ai ce regard de l'occidentale ethnocentrée, habituée à un certain confort (dont j'ai toujours été consciente). Mais même avec la plus grande ouverture et même si ça me dérange de le constater, je dois me défaire de ce regard parce que finalement, comme je le disais à une amie, cela les empêche-t-ils vraiment d'apprendre? Non pas du tout. Mes étudiants sont travailleurs, à l'écoute, dédiés à écouter mes paroles et à appliquer mes consignes et mes exercices. Leur environnement n'est peut-être pas extrêmement favorable et facile selon mes propres critères mais je réalise que finalement l'essentiel est ailleurs.
Je suis tellement heureuse de pouvoir vivre cette expérience, changer mes perspectives, repousser mes limites mais surtout ouvrir encore plus mon regard sur ma profession et aussi sortir de ma zone de confort. Cela peut vous paraître hors de toute proportion mais après aujourd'hui, je crois que jamais plus je n'enseignerai comme avant. Là où je fustigeais la moindre coupure de courant parce que "je ne peux pas faire mon cours sans ordinateur", là où j'appelais les techniciens parce qu'Internet ne fonctionnait pas... À mon retour, ce sera différent, je le sens et je le sais.
Aujourd'hui j'ai donné mon cours avec une craie et moi... Alors oui j'utiliserai l'ordinateur pour montrer quelques vidéos, images ou même pour regarder un film (car oui je dispose d'un ordinateur en classe dont je n'ai pas la clé et pour lequel je n'ai pas de connexion Internet) mais je crois que je retournerai à l'essentiel : ce que je souhaite partager avec mes étudiants.
Finalement le manque de ressources et de matériel (5 cours à donner et seulement 2 manuels dont un plus qu'obselète) engendre une créativité plus forte et cela me permet de créer des projets pour chacun de mes cours. Notamment pour le cours d'aujourd'hui, le cours de composition française, je tente de mettre en place un programme de correspondance avec mon Cegep à Montréal avec une classe de français. Mes étudiants de Qufu pourraient échanger avec des francophones d'un autre pays.
D'autres projets sont en germination tels écrire un journal avec ma classe de journalisme, monter un clip vidéo ou monter de petites pièces de théâtre avec ma classe d'oral ou encore organiser une fête de la gastronomie française avec ma classe de culture.
Je sais que je vous rebats souvent les oreilles avec mon amour de mon métier et mes étudiants bal bla bla. Mais aujourd'hui, plus que jamais, je sais que je suis à la bonne place et que s'il y a bien une chose que j'ai choisie dans ma vie sans me tromper... c'est mon métier.